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Les amoureux du Judaisme et d'Israël
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23 mai 2010

Rav Adin EVEN-ISRAEL STEINSATLZ Chavouot, un sens à la liberté

Dans le déroulement du calendrier hébraïque, Chavouot apparaît comme la fête qui complète et clôture Pessa’h. Pessa’h, la fête de la liberté, atteint son apogée et prend tout son sens lorsque survient Chavouôt, la fête du don de la Torah. Chavouôt, quant à elle, concrétise l’espoir né de la liberté fraîchement acquise à Pessa’h.

Quelle est donc la quintessence de la Torah ?


Force est de constater que la signification toute particulière de la Torah perd de son évidence dès lors que l'on a recours à des analogies inexactes pour la définir. Par exemple, quiconque cherche à limiter la Torah à un livre de lois religieuses altère la conception du judaïsme ; l’essence même de la Torah est alors occultée. La langue hébraïque moderne ne fait qu’aggraver la situation puisque le terme Torah est utilisé dans des contextes aussi inattendus que la théorie de la relativité d’Einstein ou la cuisine : ne parle-t-on pas en hébreu de la “Torah de la relativité” pour en désigner les lois ou encore de “Torat habichoul” à propos des règles de l’art culinaire ?
La Torah se trouve ainsi amputée de l’une de ses caractéristiques fondamentales: celle de constituer une entité spécifique qui se suffit à sa propre définition. Le terme Torah ne devrait donc être utilisé dans aucun autre contexte que celui de la Torah elle-même. Les religions présentent en général un cadre d’idées et de pratiques ayant pour but de régler une partie de l’existence, celle qui a trait au service de Dieu.
Le judaïsme, tel que la Torah le reflète, ne peut, quant à lui, être confiné dans un cadre aussi partiel. La quintessence du judaïsme réside précisément dans sa conception d’ensemble de la vie. Un ensemble qui, bien à sa manière, englobe tous les détails de la vie du peuple juif. C’est pourquoi la Torah recèle en son sein davantage que des aspects rituels qui concernent les relations entre l’homme et D-ieu, ou que des lois sociales qui régissent les rapports entre l’homme et son prochain: c’est aussi un livre d’Histoire, de poésies, de morale ou de prophéties, où les directives les plus solidement arrêtées peuvent côtoyer des hésitations, voire des interrogations. En outre, toutes ces composantes ne représentent pas des éléments singuliers qui viendraient s’associer les uns aux autres, mais elles se conjuguent pour ne former qu'une seule entité.
Nul besoin de parcourir toute la Torah afin de percevoir une telle caractéristique.
Les Dix Commandements constituent ainsi un bon exemple (1). de la variété des nombreux éléments qui composent la Torah. A cet égard, la structure de la Torah rappelle celle de la vie ellemême: impossible de la diviser en pans bien distincts les uns des autres. Tout comme l’être humain, la Torah ne peut être fragmentée. Certes, lorsqu’il en est besoin, nous pouvons être conduits à créer des séparations artificielles au sein de notre propre existence.
De telles fragmentations sont néanmoins toujours techniques et contrenature. En vérité, chacune des parties de notre existence se nourrit des autres, de près ou de loin. C’est ainsi que la Parasha de Kédochim (2) passe sans transition ni séparation aucunes, du commandement de respecter ses parents aux lois régisssant les sacrifices, de l’injonction de donner aux pauvres à celle “d’aimer son prochain comme soi-même”, ou encore de l’interdiction de vengeance et de rancune à celle de porter des vêtements qui présenteraient un mélange de lin et de laine (chaatnetz). C’est que la Torah se veut un guide et une fondation conduisant la vie du peuple dans son ensemble. Ce sont bien les deux réunis, la Torah et le peuple juif, qui constituent la quintessence du judaïsme. Ceux qui veulent à tout prix faire entrer la Torah dans le cadre d’une religion – qu’ils la renient ou qu’ils la respectent – en détruisent l’essence pour la transformer en quelque chose de complètement différent. Ils en font une religion parmi tant d’autres. Une telle conception “emprisonne” la Torah au sein d’un domaine bien délimité; pis encore, c’est comme si on la dévitalisait complètement.

Lorsqu’un juif se définit comme “religieux”, c’est comme s’il déniait à la Torah ce qu’elle est et ce qu’elle exige de chacun: être juif, c'est construire sa vie selon un mode tout particulier, dans lequel tout est Torah. Ainsi le don de Torah suit-il précisément la sortie d’Egypte afin de parachever la formation du peuple et d’imprimer son modèle, sa personnalité dans tous les détails de son existence. Il s’agit donc bien de la conclusion du processus de libération initié à Pessa’h.
La liberté acquise n’était alors qu’une négation de l’état d’esclavage. Chavouot et le don de la Torah octroyèrent un sens à cette liberté, un contenu positif à l’existence du peuple juif. Nos Sages ont d’ailleurs exprimé cette idée par le biais d’un commentaire célèbre d’un verset de la Bible (3): “Et les tables [de la loi] étaient l’ouvrage de D-ieu et ces caractères, gravés sur les tables, étaient des caractères divins.” Or le terme “gravé” qui se dit, en hébreu, ‘harout peut se lire également ‘hérout, la liberté.
Et le Talmud (4) d’affirmer: “Ne lis point ‘harout mais plutôt ‘hérout, car n’est vraiment libre que celui qui se consacre à la Torah.” La promulgation de la Torah sur le mont Sinaï il y a plus de trois mille trois cents ans, représente un événement unique dans l’Histoire. Avant tout, il s’agit là d’un acte par lequel D-ieu “descend” des hauteurs célestes vers le monde ici-bas. Jusqu’alors, l’abîme infini entre l’homme et D-ieu paraissait infranchissable. Cependant, si le don de la Torah présente ce caractère d’événement historique singulier dans lequel le Divin joue un rôle décisif, l’acceptation de la Torah constitue en revanche un processus de longue durée dans lequel l’homme détient une place centrale. Recevoir la Torah ne consiste pas à en écouter le message de manière passive. Il s’agit d’un engagement personnel à vivre pleinement selon ses principes et à en respecter les commandements chaque jour de notre vie. D’un côté, pour que la Torah puisse nous être donnée, il nous faut faire preuve de la même disposition d’esprit que les Hébreux sur le mont Sinaï, lorqu'ils prononcèrent le fameux Naassé vénichma (5) .

De l’autre côté, la dimension intérieure d’une telle disposition peut se révéler bien plus tard, comme Moïse lui-même l’affirme, quarante ans après, avant de se séparer de son peuple (6):
“Et jusqu’à ce jour, D-ieu ne vous a pas encore donné un coeur pour sentir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.” L’un des grands maîtres ‘hassidiques, le Rabbi de Kotzk, avait l’habitude de rappeler: “La fête de Chavouot célèbre ce jour où la Torah fut donnée au peuple d’Israël. Cependant, chaque juif reçoit ensuite la Torah selon sa propre manière et selon son propre rythme.” Cette idée selon laquelle l’acte de recevoir la Torah ne se confond pas, dans le temps, avec le don de la Torah n’a rien d’une métaphore. Il s’agit d’un thème que l’on trouve développé tout au long de la Bible. Ne conte-t-elle pas les conflits, les ascensions, les chutes, les erreurs et les réconciliations qui alimentent le long processus d’acceptation de la Torah ?

ü  Ainsi, la Torah, qui, un jour, fut donnée sur le mont Sinaï, continue d’être reçue par Israël, de manière personnelle, collective et nationale. Cette acceptation ne constitue pas un événement moins important, car elle donne à la Torah son caractère de Torat ‘haïm, de Torah de vie.

Traduction de Michel Allouche, Jérusalem Extrait de “Laisse Mon Peuple Savoir”
(1) Exode XX, 2-14 ; Deutéronome V, 6-18
(2) Voir Lévitique XIX-XX.
(3) Exode XXXII, 16
(4) Talmud Erouvin 54a.
(5)Voir Exode XXIV, 7.
(6)Deutéronome XXIX, 3.                                                                                     

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